top of page

Récit d'un voyage en Inde - Episode 1

Il y a un an mon compagnon et moi apprenions l'existence de ma grossesse, et poussés par un élan un peu fou mais plein de joie, nous décidions de nous envoler pour l'Inde pour trois mois, afin de profiter de sa famille (il est indien) et m'initier à l'Inde avant l'arriver de notre enfant.

Mais c'est bien connu, si vous avez un projet précis pour votre voyage en Inde, oubliez-le, il y a de grande chance pour que cela ne se passe pas comme vous l'avez prévu.

Notre voyage dura finalement 1 an... et notre enfant vit le jour sous le soleil brûlant de la terre mère du Yoga, dans l'une des contrées les moins désirable à mes yeux, Goa, un état de l'Inde où le tourisme à modifié le paysage jusqu'à en faire un petit Végas.


Je ne saurais trop par où commencer pour donner quelques notes majeures de ce voyage. Une chose est sûre, l'Inde a envoyé valser sans trop de délicatesse les fantasmes que je pouvais nourrir à son sujet. Mes idées spirituelles furent balayées par le chaos, la pollution et la rudesse de l'environnement des villes et des campagnes. Je me retrouvais à vivre en grande partie dans une des villes les plus peuplées du monde, sans cesse en expansion, sans plan urbain, à l'image d'une jungle qui, n'aimant pas le vide, cherche à occuper tout l'espace.


C'est en partie dans cet environnement que, petit à petit je laissais tomber mes projections, et laissais l'Inde me montrer son véritable visage : ambivalent, sans compromis, fougueux et plein de vie, chaotique, à la beauté qui déchire le coeur en pièce pour ne laisser que l'espace.


La vie quotidienne pourtant sans remous particulier m’était si intense, j’étais bien souvent à fleur de peau, et la moindre apparition pouvais faire fondre mon coeur. Je me souviens, le premier mois, de la vision d’un arbre dont la couleur des fleurs me sembla tant irréelle et vibrante que j’en avait les larmes aux yeux.


Je me disait souvent à moi même, qu’en Inde tout se passe partout tout le temps, chaque mètre carré semble en activité, ici un indien prends sa douche matinale, là un groupe de chèvre occupent le bas coté, des femmes en sari chatoyant travaillent dans les champs, des commerces pour tout et partout, des vaches et des chiens formant une véritable société autonome, un camion-dj guide les pèlerins vers leur prochaine destination, ici un prêtres fait sa quête, là un moine effectue sa marche du soir, milles histoires se superposent créant un patchwork d’impressions et d’émotions vibrantes.


Ma vie en Inde était on ne peut plus banale, j’étais enceinte, je sortais peu seule, je ne m’aventurais pas à la rencontre de l’inconnu et faisait très attention à ce que je mangais, buvais, respirais… mais la banalité n’existe pas ici. Seule l’intensité d’une terre où toute les strates humaines se superposent, se rencontrent et cohabitent plutôt paisiblement.


Si l’Inde garda pour moi sa promesse faite à l’occident, d’être une terre initiatique et hautement spirituelle, c’est d’abord simplement par contraste. C’est ce contraste qui vient gratter la première couche des occidentaux en quête de leur profondeur. Et bien que l’on soit enclin à résister au changement, et que l’on souhaite conserver nos habitudes confortables et notre apparente stabilité, ce pays nous bouscule tellement qu’il n’y a finalement pas d’autres voie que le lâcher-prise.


Accepter ce qui nous tourmente, accepter parfois ce qui nous est inacceptable.


Accepter un quotidien inconfortable sur certain plan, ici pour moi ce fut l’inconfort de la pollution, de l’air chargé de poussières à Mumbai, de l’incapacité à me déplacer seule et d’être autonome à Goa lors de mon troisième trimestre de grossesse, le manque du connu et des habitudes de ma vie en France, la barrière de la langue et le sentiment de solitude.


Le premier mois, tout est nouveau et excitant. Ce sont les mois suivants, où ce qui était excitant devient normal, et l’âpreté du changement apparait.


Ce quotidien inconfortable fut le terreau parfait pour m’enseigner le lâcher-prise auquel j’aspirais depuis tant d’années. Je n’avais simplement pas d’autres choix.

*

Et le lâcher prise donne de l’espace. C’est comme lorsque l’on a les yeux rivés sur notre téléphone, déroulant les pages des média qui nous absorbent, et que tout à coup l’on se souvient de l’espace autour et du moment présent, tout s’ouvre à nouveau, on avait oublié jusqu’à notre respiration, jusque’à notre corps pulsant de vie. Et tout à coup, tout cela réapparaît. Et si on arrive à ne pas gâcher cet instant avec la culpabilité de s’être laisser emporter, on peut vivre un vrai moment de grâce. Le téléphone devient notre guru, notre enseignant. Un de plus.


Le lâcher-prise ouvre de l’espace et cet espace est si bienfaisant qu’il nous inspire à le contempler.

Comme lorsqu’on contemple le ciel et que tout à coup on note la présence de certain type de nuage, du passage d’oiseaux et d’avions, des couleurs et des nuances, de même contempler l’espace ouvert de l’esprit met en évidence la présence de pensées et de fonctionnement mentaux qui était restés jusqu’alors dans l’ombre de notre inconscience.


Cela fait plusieurs années maintenant que j’essaie de méditer, et finalement je me rend compte que quelque part je me méprenais sur la nature de la méditation.


Sans en être vraiment consciente je cherchais un état particulier, un espace ou oublier mes soucis, et un résultat.


Dans l’inconfort de mon voyage, je suis aller à la rencontre d’un pays, ma terre intérieure, avec plus de sincérité que je n’avais osé auparavant.

Mon inconfort n’était autre que des résistances mentales à l’inconnu, au changement et surtout à l’intensité sensationnelle (des sensations) du quotidien.


Lorsque j’ai accepté cet inconfort en lui disant oui de tout mon coeur, l’espace s’est ouvert et j’ai pu observer mon fonctionnements en toute simplicité et avec compassion.


Enfin il me semble toucher du doigt ce qui je crois est la nature même de l’être humain, la bienveillance, veiller en bien sur nous-même et sur tout ce qui est. Veiller parle clairement de vigilance, de présence, tandis que le bien est une notion totalement libre de toute morale, c’est le sentiment qui émane de notre être profond. Etre vigilant, à partir de l’espace de notre être, c’est cela la bienveillance. Il ne s’agit pas de gentillesse, il ne s’agit pas de tout laisser faire. Il s’agit d’être en accord avec l’espace de l’être et d’agir à partir de là.




Art & Yoga

odilon-redon-ophelie_edited.jpg
bottom of page